Au terme d’un stage d’entraînement final durant lequel nous avons pu mettre en place ce que nous avions conclu par un rapide dernier entraînement chronométré qui nous a mis en confiance, un jour et demi de pause passé à Verbier, mes collègues de l’équipe nationale et moi-même nous envolions pour la Bulgarie.
After a final training camp during which we could make significant progress, concluded by a fast timed-piece which gave us plenty of confidence, I took a day off in Verbier and was ready to take of to Bulgaria with the rest of the team.
Arrivés sur place, je retrouve le champ de course de ma toute première médaille de Championnats du Monde, alors dans la catégorie junior (remontant à 2012). Je regarde autour de moi et demande à mon entraîneur en Roman (mon coéquipier) en rigolant à moitié s’ils sentent les bonnes vibrations et la médaille en ligne de mire…
When we arrived there, I found the location of my very first World Championships medal (a bronze a the Junior World Champs back in 2012) just how I left it. As I was looking around, I asked my coach and Roman (my teammate) if they were feeling the same “medal vibe” as I was…
Arrivés jeudi dans la journée et n’ayant notre première course que dimanche en fin de journée, nous avions quasiment trois jours pour prendre nos repères sur le bassin (très difficile aux heures d’entraînement, dû au très grand nombre de bateaux présents qui agitent l’eau). Après une attente qui nous a parue interminable, il était enfin temps de s’élancer dans l’eliminatoire des Championnats du Monde 2018 ! Après un départ en demi-teinte de notre part et fulgurant des allemands, nous nous retrouvons plus de 4s (!) derrière ces derniers après 500m de course. Une deuxième partie de course proche de la perfection, nous permet de combler notre écart mais pas complètement. À l’arrivée, il nous manque 0.5s pour battre les allemands, remporter la série et nous qualifier directement en demi-finale. Malgré le 3e temps des 23 participants répartis dans quatre séries, nous devions passer par les repêchages le mercredi.
As we arrived on Thursday and our first race was only on Sunday, we had three full days of training to get used to the very wavy training course (because of the very high number of boats training at the same time and making a lot of wash). After three days of pure anticipation, we were finally allowed to kick off the World Championships 2018 with the heats! After a pretty slow start, we found ourselves 4s (!!) down on the Germans only 500m into the race. Our second half was the fastest of all heats and we were almost able to catch up, failing short of the direct qualification spot and coming in second, just 0.5s down. Despite a good race and a 3rd time overall (across all 23 boats, spread into four heats), we were going to have to race in the repechages to gain a spot in the semi-finals.
Bien que nous fussions partis pour gagner cette course, son issue n’était pas forcément à notre désavantage. En effet, les éliminatoires s’étant disputés le dimanche et les demi-finales n’étant que vendredi, les quatre vainqueurs des séries auraient quatre jours entiers sans course, ce qui peut conduire à sortir de sa régate et se faire surprendre en semi (exactement ce qui nous était arrivé l’année passée). De plus, n’ayant formé notre double que cinq semaines plus tôt et n’ayant pas couru une seule régate ensemble cette saison, une course de plus lors de ces championnats ne permettrait de nous régler et de trouver d’encore meilleurs repères.
Although the plan was to win this race, the outcome wasn’t really playing against us for two reasons ; first of all, the heats being on Sunday and the semi-finals on the next Thursday, that would have meant four days off competing, risking to mentally lose that racing spirit and get surprised in the next round of racing (exactly what happened to us last year and made us miss the final). The second reason is that this was a brand-new crew. We had only teamed up five weeks ago and that had been our very first race of the season together. A second one before the semi-finals would be a good opportunity to adjust some details.
Tout ceci était sans compter les aléas de la météo… Après deux longs jours, il était enfin temps de disputer notre éliminatoire et nous trépidions d’impatience ! Lors de l’échauffement, le vent de travers se levait et on pouvait voir que certaines lignes d’eau étaient clairement avantagées. Ce n’est que dix minutes avant le départ de notre course, alors que nous allions nous rendre au départ, qu’on nous annonce que le départ et repoussé de 20 minutes. Nous prolongeons donc notre échauffement pour finalement apprendre que nous devions retourner à terre et, une heure plus tard, que les courses étaient annulées pour la journée.
But all of this was without counting on mother nature’s caprices… after two long days spent waiting around, it was finally time for our repechage. During our warm up, the cross wind was rising, and we could clearly see that some lanes were advantaged. Ten minutes before the start only, as we were getting ready to line up, we were being told that our race was delayed. We decided to continue warming up and moving for a few minutes and, twenty minutes later, they told us to get back on land and wait for further information. It was then communicated that the rest of the racing was cancelled for the day.
C’est donc un réveil aux aurores qui nous attendait le lendemain. La course étant repoussée d’un jour, cela nous ne laissait moins de 24 heures entre ce repêchage et les demi-finales, ce qui devenait critique au point de vue de la récupération. Comme si cela ne suffisait pas, je suis pris de fièvre et de douleurs d’estomac au réveil. Le but était donc clair : faire le minimum possible pour s’assurer une place en demi-finale. Heureusement, nous avons pu contrôler la course et la remporter sans difficulté, tout en réalisant un meilleur départ qu’en début de championnat, comme convenu.
We had to get up at dawn the next day. The racing now being postponed one day, it would leave us less than 24 hours between the reps and the semi-finals which was critical in terms of recovery. As if that wasn’t enough, I woke up with some fever and light stomach problems. Therefore, the goal was clear : do the minimum effort required to qualify for the semis. Hopefully we were able to control the race without trouble, even doing a better start then in the heats, which was the main goal of this race.
Pour ma part, il s’agissait alors de récupérer le plus vite possible et de gérer ma grippe intestinale présumée avec quelques médicaments en espérant que je me sentirais mieux le lendemain.
My main focus then became to recover from the race and, most of all, my illness, with some medication and a lot of sleep, as fast as possible, hoping to feel better the next day.
Le vendredi au réveil, le jour de la demi, je n’étais pas encore à 100% mais je me sentais beaucoup mieux que la veille. De plus, mon rappeur français préféré, Vald, avait sorti un album surprise pendant la nuit ; cela ne pouvait être qu’un bon présage. Cette course s’annonçait très disputée et coupe-gorge, comme la plupart des demi-finales. En effet, la catégorie du double est très dense, personne ne veut céder sa place en finale et de places, il n’y en a que trois. Plus de calculs : partir le plus fort possible, trouver notre rythme et prendre la course en mains. Contrat réussi. Nous restons bien plus au contact des allemands que lors des séries au départ, trouvons un très bon train de course. À 1500m, les positions sont établies et les trois bateaux de tête se détachent des autres (les français, les allemands et nous). Plus d’obligation mais, confiant de notre sprint final, je l’annonce un peu plus tard que d’habitude, histoire de passer les allemands et de finir deuxième. L’attribution des lignes d’eau en finale se fait en fonction du classement des demi-finales et, comme vu deux jours plutôt, cela pourrait avoir son importance.
On Friday, semi-finals day, I woke up still not at 100% but hopefully feeling a lot better than the day before. On top of this, my favourite French rapper (Vald) had released a surprise album during the night. It could only be a good sign ! This race was promising to be very tight and cutthroat, as most semi-finals. There wasn’t time or space for maths anymore : we had to start as hard as possible, find our rhythm and take the race in our hands. Job done. We were able to start a lot faster than during the heats, staying much closer to the Germans and to find a really good rhythm. At 1500m the positions were looking to be set. The top three boats were moving away on the rest of the feed (the Frenchs, the Germans and us). With no obligation but confident in our final sprint, I call for a push a bit later than I would have done it in a very tight race, so we could get ahead of the Germans and take second place in the race. Every place is important as the lanes are attributed related to the last round’s result (if you finish first, you get a better lane for the next round) and that can play a crucial role, as we saw two days earlier.
Le grand jour de la finale était enfin arrivé ! Nous étions l’anté-antépénultième course des championnats. À notre arrivée sur le champ de course, il était quasiment vidé de tous les bateaux. La plupart des autres rameurs étaient maintenant spectateurs et avaient plus l’esprit à la fête et la socialisation qu’à la compétition. Pas nous. Cela faisait six ans. Six ans que j’attendais le moment d’avoir l’opportunité de gagner une médaille au plus haut niveau de mon sport, et cette fois, je sentais depuis un moment déjà que cela pourrait être là bonne. Trois ans également depuis notre dernière finale à un événement majeur de la saison (notre dernière finale datant de 2015 puisque nous avions manqué celles de Rio en 2016 et des Championnats du Monde en 2017). Finalement quatre ans depuis notre dernière médaille à des Championnats du Monde (l’or des U23 en 2014). Bref, il était temps de faire quelque chose de grand. Pendant les heures menant à notre course, j’utilisai le stress très présent et le transformait en énergie positive. 1 heure avant le départ, je commence mon échauffement au sol, je me sentais prêt. 40 minutes avant le départ, nous avons un dernier meeting avec notre entraîneur qui nous donne les ultimes conseils avant d’embarquer. Je n’ai aucune idée de ce qu’il nous a dit ce jour-là, j’étais déjà complètement dans ma course dans ma tête. Place à l’échauffement sur l’eau. Je n’avais qu’une envie : prendre le départ. Les minutes s’écoulent, l’heure fatidique approche. Nous sommes enfin alignés avec les autres bateaux. Roman se retourne pour me taper dans la main. Je lui dis simplement “Notre course. C’est maintenant!”. Bon départ, je pousse le plus fort possible sur mes jambes en restant bien horizontal. Transition au train en puissance, avec confiance et détermination. Nous sommes dans la course. 500 mètres, nous sommes 2-3emes. 750m, 2e, c’est bon, la médaille est pour nous, nous pouvons même gagner, je le sais et hésite à le dire à Roman mais préfère le garder pour moi. Les mètres passent et nous gardons notre position, à la bataille avec les anglais, les néo-zélandais 2 secondes derrières et les français 2 secondes devant. Arrivée dans les derniers 500 mètres. J’ai confiance en notre sprint mais je n’ai aucune idée à quelle distance sont les français (je sais juste qu’ils sont devant) ni les anglais (je sais juste que c’est très serré entre nous) et je vois les néo-zélandais revenir. Je lance le sprint : aller à fond mais surtout ne pas faire d’erreur! Où est la ligne d’arrivée!? Là! On l’a fait! On a gagné une médaille aux Championnats du Monde élite ! Je crois bien que c’est de l’argent… on est vice-champions du Monde!
The big Final day was finally there! There were only three races after us in the Championship, which meant that when we arrived at the course, it was almost empty. Most of the competitors had already derigged their boats and were now spectators, a beer in the hand, their minds into partying. We weren’t. it had been six years. Six years that I was waiting for the opportunity of winning a medal in the highest level of my sport. And this time I had been feeling it could be the right time for a while. Also three years since we had last been in a major event’s finals (having missed both finals in Rio and at last year’s world champs). And finally, four years since our last World Championships medal since our wins at U23s in 2013 and 2014. To put it short, it was time to do something big. During the hours preceding the race, I was really stressed out but I used it to turn it into positive energy. One hour before the start, I begin my on-land warm up, I was feeling ready. 40 minutes before the start, we have a final meeting with our coach during which he gives us his last advice before going on the water. I couldn’t tell you a word he told us that day. I was already fully into my race. It was time for the on-water warm up. All I wanted to do was to start the race. The minutes passed by, and the time finally came. We’re finally aligned with the other five fastest doubles on the planet. Roman turns around and gives me a fist-bump. I only tell him “It’s our race. It’s now!”. Good start. I push as hard as I can on my legs trying to stay nice and horizontal. Good, powerful and confident transition into race pace. We’re in the race. 500m, we’re 2nd or 3rd. 750m, 2nd, a medal is ours, I know it, we can even win, I almost want to shout it to Roman but I decide to keep it for myself. The meters go by and we keep our position, fighting with the Brits, the kiwis 2 seconds behind us and the Frenchs 2 seconds in front of us. I have confidence in our sprint but i actually have no idea how far the Frenchs are (I just know they are in front) neither the Brits (I just know it’s really tight between us) and I can see the kiwis coming back at us. I call for the sprint : go all out but don’t make any mistake! Where is the finish line!? It’s there ! We made it! We won a medal at the World Rowing Championships ! I think it’s silver… we are vice-world Champions !
Passé l’émotion intense de la ligne d’arrivée, de la remise des médailles, des félicitations entre Roman, Édouard (notre coach) et moi, et la folie de la soirée de clôture des Championnats, voici mon retour à froid sur ce résultat :
L’émotion qui ressort par-dessus tout est une sorte de soulagement, ou plutôt de confiance. En effet, cela fait depuis ma première année dans la catégorie élite que je suis convaincu que j’ai les capacités de battre les meilleurs et de gagner des médailles mondiales. Malheureusement, après des année junior et U23 très prometteuses avec beaucoup de médailles remportées à ces niveaux, nous étions passés plusieurs fois juste à côté en élite mais il nous manquait toujours quelque chose, presque de quoi se dire “cela n’arrive qu’aux autres”. Cette année, malgré un hiver difficile et une blessure au début de l’été, nous avons finalement réussi à réunir tous les éléments pour nous hisser sur ce podium mondial élite. Ensuite, passe l’euphorie de cette première médaille, et après avoir analysé la course, je suis également convaincu que nous avons les capacités d’aller chercher la victoire. Et ce, pour plusieurs raisons : premièrement, nous avons formé ce double que 5 semaines avant le début des championnats. Avec des automatismes plus ancrés, je suis persuadé que nous pourrions nous exploiter encore plus physiquement. Deuxièmement, notre sprint est une de nos armes principales mais lors de cette course, alors que nous voyions être en position de faire une médaille, nous avons été un peu pris par surprise et n’avons pas vraiment su gérer la situation, préférant assurer une médaille plutôt que de tout tenter pour décrocher l’or. Sans pour autant contrôler la fin, nous n’avons pas non plus réellement activé le turbo comme à notre habitude.
À présent, je n’ai qu’une envie : pouvoir travailler tranquillement une saison entière, dans notre groupe, sans changement d’encadrement, sans baisse de motivation, sans blessure et surtout, avec un coach en qui nous avons entièrement confiance et avec qui nous avons prouvé à plusieurs reprises que cela fonctionnait. Une fois que cela sera le cas, et cela la sera, j’en suis sûr, plus grand chose ne pourra nous stopper.
The craziness of the intense emotion after crossing the finish line, the medal ceremony, the hugging and congratulating between Roman, Edouard (our coach) and I and the after party being now settled down, here is my take on this result :
The main feeling I have is a mixture between relief and confidence. I’ve been convinced since my first year as a senior in the Swiss Rowing Team that I can beat some of the best in the worlds and win medals. Unfortunately, after some very successful junior and U23 years and a lot of medals won at these levels, we seemed to always come short at the elite level, almost enough to tell ourselves “it’s only happening to others”. But this year, despite a difficult winter and an injury at the beginning of the summer, we finally were able to climb on that podium. The euphoria of this first medal behind us, and after having analysed our race, I’m also convinced that we could go for the win. And this for a few reasons : first of all, we only teamed up with Roman 5 weeks before the world champs. With some better automatization, we could use our fitness even more. Secondly, our final sprint is one of our big strength, but we couldn’t really use it to it’s full potential during the final. Because we could see we were in the position to win a medal, we were somehow surprised to be in that situation and didn’t really know how to react and in a way preferred staying safe in the medals rather than actually going for gold. I don’t say we controlled the end of the race, but it wasn’t the actual turbo we’re capable of. As for now, I only wish for one thing : being able, for a whole season, to work consistently and without bad stress caused by changes in the staff, drop in motivation, injury and, most of all, with a coach in which we trust entirely and with whom we proved multiple times that it clicked. When this will be the case, and it will be, I’m sure, not much will be able to stop us.
À l’année prochaine!
See you next year!